Accord UE-Mercosur : l’interminable bataille

En négociation depuis 25 ans, l’accord de libre échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) est pointé du doigt par les agriculteur.ices et les associations écologistes. Des deux côtés de l’Atlantique, la crainte d’une concurrence déloyale et d’une aggravation de la déforestation en Amazonie est grande.

Crédit : Amina Sidi Yekhlef

Un classique accord de libre échange

L’accord UE-Mercosur est un véritable feuilleton commercial virant à la mauvaise série. Peu avant l’an 2000, des négociations entre les pays du Mercosur (le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay) et ceux de l’Union européenne ont débuté. L’idée est alors assez simple : créer une zone de libre échange économique. Cette zone permettrait une diminution, voire une suppression, des droits de douane entre les deux parties. L’accord est signé depuis 2019 mais il doit encore être ratifié par l’ensemble des pays des deux zones, ce qui n’est pas encore le cas. La France s’oppose au texte actuel, alors que l’Allemagne ou encore l’Italie sont favorables. En Belgique, les avis divergent. Les régions wallonne et bruxelloise sont contre, alors que la région flamande est plutôt pour.

L’accord de libre échange entre l’Union européenne et le Mercosur est, sur le papier, à l’avantage des deux parties. Les pays d’Amérique du Sud pourront exporter en plus grande quantité leurs productions, notamment de bœufs, de soja ou encore de sucre, vers les pays européens. En Europe, les consommateur.ices bénéficieront de prix plus bas, les frais de douane étant moindre. La production en grande quantité, avec l’agriculture intensive dans les pays du Mercosur, permet une baisse des coûts de production et donc une baisse du prix de vente. Du côté européen, une zone de libre échange avec le Mercosur est une aubaine pour la vente de produits dits manufacturés. Le marché de l’automobile, dont l’Allemagne est moteur en Europe, est l’un de ceux qui a le plus a gagné avec cet accord. L’un des arguments avancés par les pays favorable à l’accord UE-Mercosur est la création d’emplois, en Europe comme en Amérique du Sud.


La crainte en Europe d’une concurrence déloyale

Qui dit prix de vente plus faibles du côté des produits importés dit diminution des vente des produits européens. Les pays du Mercosur ne sont pas soumis aux mêmes exigences environnementales et sociales que les pays européens, ce qui créé indéniablement une différence de coût de production. Les agriculteur.ices d’Europe accusent l’Union européenne d’un manque de cohérence, qui mènerait l’agriculture européenne à sa perte.

La question des pesticides est centrale dans les revendications des agriculteur.ices européen.nes. Si les règles européennes peuvent être perçues comme strictes par soucis environnemental et de santé publique, les produits importés du Mercosur ne seront pas cultivés avec autant d’exigences. Ainsi, des produits interdits à la culture en Europe seront tout de même vendus aux consommateur.ices européen.nes. De quoi rendre furieux.ses les agriculteur.ices européen.nes.


Un accord désuet face à l’urgence environnementale

Un accord de libre échange signifie une augmentation du commerce entre deux zones, et donc une augmentation de la production en Europe et en Amérique du Sud. Avec des négocations initiées il y a 25 ans, l’accord n’est plus en adéquation avec l’urgence environnementale actuelle, selon les associations écologistes.

« Si l’accord est ratifié, il y aura de moins en moins de terres autochtones protégées, de plus en plus d’exploitation et de plus en plus de déforestation »

Kelly Dochy, membre de l’association Jiboiana

Au delà de la question du transport des marchandises exportées, qui est loin d’être négligeable, la production elle-même est au centre des préoccupations des écologistes. L’accord UE-Mercosur risquerait d’aggraver la déforestation en Amazonie, en raison de l’augmentation des cultures intensives pour répondre à la nouvelle demande européenne.

Une augmentation de la déforestation met directement en danger les peuples autochtones, habitant la forêt amazonienne et vivant grâce à ses ressources. Ces derniers sont considérés par beaucoup d’écologistes comme des garants de la protection de la biodiversité. Kelly Dochy, membre de l’association Jiboiana qui œuvre à la protection des droits des peuples autochtones en Amérique du Sud, s’inquiète des effets directs de l’accord UE-Mercosur en Amazonie. Elle explique que « si l’accord est ratifié, il y aura de moins en moins de terres autochtones protégées, de plus en plus d’exploitation et de plus en plus de déforestation ».

L’accord de libre échange UE-Mercosur, auquel s’accroche coûte que coûte les parties prenantes, cristallise les oppositions des deux côtés de l’Atlantique. Lula, président du Brésil (plus grand pays du Mercosur), est arrivé au pouvoir avec la promesse de rapidement trouver un accord avec l’Union européenne, tout en protégeant les peuples autochtones et en limitant la déforestation. Un casse-tête qui ne semble pas pouvoir être résolu avant les élections européennes de juin prochain.

Amina Sidi Yekhlef


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