Mai 2023 marque le timide début d’un virage européen à 360 degrés. Le Parlement européen de Bruxelles a organisé la conférence Beyond Growth, au-delà de la croissance. Du 15 au 17 mai, l’hémicycle européen s’est peint en vert, réunissant scientifiques, militants et politiques écologistes. L’organe législatif de l’Union européenne porte alors un message fort : la croissance doit craindre pour sa suprématie.
Crédit : Amina Sidi Yekhlef
Une Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, qui conçoit publiquement que la croissance peut faire partie du problème climatique, c’est ce qu’on appelle une séquence inédite. Avec beaucoup de conditionnel et de pincettes, la plus médiatisée des têtes de l’Europe remet en question le phare de l’Union européenne : la croissance économique. Ursula von der Leyen a surtout dans le viseur la croissance basée sur les énergies fossiles, qu’elle estime obsolète.
La croissance comme identité européenne
L’organisation, par le Parlement européen, d’une conférence sur les limites de la croissance, a ému les militants écologistes de la première heure. Depuis le rapport Meadows, 50 ans se sont écoulés. 50 ans dans la « salle d’attente du changement » (Timothée Parrique). Beyond Growth représente alors une lueur d’espoir pour celles et ceux qui ont pointé du doigt l’hégémonie de la croissance économique dans un contexte d’urgence environnementale.
Ce n’est pas par hasard que le vieux continent a tardé à prendre à bras le corps la question des limites de la croissance. L’Union européenne s’est construite autour de l’objectif immuable de croissance économique. Croissance économique calculée alors grâce au PIB, Produit intérieur brut qui, par son mode de calcul, comprend également des limites et ne témoigne pas du bien-être des populations et de la santé de l’environnement.
L’espoir d’un renouveau européen
Si l’histoire de l’Union européenne rime avec une croissance économique indétrônable, les militants écologistes venus de toute l’Europe comptent bien introduire le terme « décroissance » dans le vocabulaire européen. S’asseyant, l’espace de quelques jours, sur les sièges des députés européens, les militants écologistes, main dans la main avec les scientifiques et les politiques écologistes, n’ont qu’un espoir : un réel changement de paradigme.
Mais la remarque d’une internaute en live a relativisé cet espoir naissant. Si l’hémicycle est rempli de militants écologistes, c’est bien qu’il est déserté par les décisionnaires, les parlementaires européens.
Mais il faut un début à tout. Même si l’Union européenne ne risque pas de défendre corps et âme la décroissance demain, la conférence Beyond Growth semble avoir donné du baume au cœur à beaucoup de militants écologistes. Reste à voir si les discussions arriveront aux oreilles des députés européens.
Une Europe tout aussi pionnière qui frileuse
L’Union européenne, en organisant une conférence sur les limites de la croissance économique, se veut cheffe de file des pays industrialisés face à l’urgence climatique. Les scientifiques du GIEC, dont certains présents à la conférence Beyond Growth, expliquent que la décroissance économique est nécessaire pour ralentir au maximum une machine qui s’est déjà emballée. La « croissance verte » semble alors au mieux insuffisante, au pire, un doux leurre.
L’Union européenne est à un moment de basculement. Elle semble avoir compris l’importance d’un nouveau paradigme plus ou moins détaché de la seule croissance économique, mais n’affiche pas une volonté politique claire dans ce sens, par des actes. Une Europe des 27, ancrée par son histoire et par l’interdépendance aux autres puissances mondiales, a-t-elle la possibilité ou même la volonté d’entamer réellement ce virage à 360 ?
Mais les militants écologistes gardent espoir à la sortie de ces 3 jours intenses de conférence Beyond Growth. Ce perpétuel dialogue de sourds, entre partisans d’une stabilité économique et ceux d’une habitabilité assurée de la planète, a laissé place à une brèche de quelques jours. La conclusion de Beyond Growth est toute naturelle pour les militants écologistes : c’est après une percée qu’il ne faut absolument pas abandonner le combat.
Amina Sidi Yekhlef