Ennemis publics n°1 : les « écoterroristes »

La honte étouffera-t-elle le gouvernement avant que la pollution atmosphérique ne s’en charge ? Rien n’est moins sûr ! À Sainte-Soline, les militants écolos ne sont pas engagés, mais bien terroristes, selon le ministre de l’Intérieur français Gérald Darmanin. Invisibiliser les raisons de la colère pour mieux criminaliser les militants, un mot d’ordre pour un gouvernement perdant en légitimité populaire.

Crédit : Les Soulèvements de la Terre, Sainte-Soline

Criminaliser la riposte

Une fois n’est pas coutume, Gérald Darmanin récupère une sémantique bien de droite. L’Obs rapporte que Ron Arnold, militant étasunien de droite, est le premier en 1983 à utiliser dans la sphère politique ce terme qui fait aujourd’hui polémique en France.

Militant de droite oui, mais surtout fervent opposant aux premiers environnementalistes occidentaux des années 1970. Ron Arnold définit alors l’ « écoterrorisme » comme « un crime commis pour sauver la nature ». Une belle référence pour Gérald Darmanin qui ne cesse de diaboliser les militants et manifestants pour couvrir la police et dévier le débat des vraies problématiques environnementales.

Rappelons que les manifestations à Sainte-Soline ont fait à ce jour 200 blessés, dont certains dans un état grave.

Taire les enjeux environnementaux

Si l’ « écoterrorisme » est une « une activité terroriste justifiée au nom de l’écologie » selon Gérald Darmanin, son utilisation digne d’une classique surenchère verbale a pour effet d’invisibiliser les écocides perpétrés par un système non soutenable, dont est complice le gouvernement.

La dernière utilisation de ce terme par le ministre de l’Intérieur a fait bondir les militants écologistes opposés à la construction de mégabassines à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres.

Le principe d’une mégabassine est à première vue assez simple : puiser de l’eau dans les nappes superficielles en hiver et la stocker pour approvisionner en eau les exploitations agricoles en été. Les mégabassines sont une des réponses privilégiées par les autorités face à la sècheresse estivale condamnant les cultures.

Bien que le principe soit simple, les effets peuvent être désastreux, d’après Reporterre. Une mégabassine, c’est une gigantesque piscine, de la taille de 10 terrains de foot, à l’air libre. L’eau contenue est sujette à l’évaporation mais aussi à la prolifération de bactéries, ce qui crée un réel risque pour la santé.

10 terrains de foot, ce n’est pas négligeable, surtout quand ça empiète sur des terres agricoles. Parce que oui, une mégabassine ça prend de la place, mais 16, ça en devient déraisonnable selon les détracteurs du projet de Sainte-Soline. Avec une contenance totale de 6 729 443 m³, ces 16 mégabassines en phase de construction font inévitablement augmenter le prix du foncier agricole.

L’ « écoterrorisme » face aux écocides

Pour les militants écologistes, le constat est clair : la voie douce ne fonctionne pas. Malgré les pétitions, les manifestations et autres mobilisations pacifiques, le gouvernement français fait la sourde oreille et n’est toujours pas à la hauteur de l’urgence climatique. À noter que la Coop de l’eau 79, à l’initiative du projet des 16 mégabassines dans les Deux-Sèvres, a affirmé que l’eau récolté servira notamment à l’irrigation des cultures de maïs. La Confédération paysanne dénonce un accaparement de l’eau au profit d’une monoculture intensive, dévastatrice pour l’environnement.

Les fortes mobilisations des dernières semaines à Sainte-Soline montrent que l’énergie du désespoir est souvent plus forte que la peur de l’extrême violence ambiante. Gérald Darmanin, prenant à coeur son rôle de premier flic de France, n’hésite pas à enchaîner les fake news pour protéger la police de toutes critiques, et ainsi braquer le flash sur la violence des écologistes. À défaut d’honnêteté sur l’usage, par les forces de l’ordre, d’armes de guerre à Sainte-Soline, le ministre de l’Intérieur accable largement les manifestants et condamne un peu plus chaque jour la biodiversité.

La violence des affrontements à Sainte-Soline témoigne d’une chose. Le gouvernement français ne se montre pas à la hauteur de l’urgence climatique. Les populations précarisées, qui en subissent les plus dramatiques conséquences, n’ont ainsi plus rien à perdre.

Amina Sidi Yekhlef

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